
Joanne mène la vie typique d’une épouse et mère dans la petite ville de Modesto dans les années 70. Son mari Thomas travaille comme médecin et elle s’occupe des enfants et du ménage. Mais un jour, un incident bouleverse toute sa vie : un agresseur lui fait tomber de son vélo et vole son sac. Elle n’a pas de graves blessures mais le fait d’être devenu victime l’empêche de retourner dans la vie et de se sentir à l’aise. Quand Thomas lui refuse plus de médicaments, elle boit de l’alcool, puis, son comportement change : au supermarché, elle échange les chariots et prépare les dîners avec ce que d’autres personnes ont voulu acheter pour sentir un peu la normalité qu’elle-même ne retrouve plus. Un jour, après une phrase de trop de Thomas, elle se voit confrontée à une décision : ou elle se suicide ou elle recommence avec une autre vie. C’est ainsi que la nouvelle Joanne naît : à Las Vegas, derrière un comptoir d’un bar comme la reine des cocktails.
Laurence Peyrin raconte l’histoire d’une personne qui est déracinée violemment de sa vie. C’est un incident inférieur, plutôt une chose pour s’énerver et se fâcher, mais rien d’important. Pour Joanne, au contraire, c’est un moment décisif, quoique saine physiquement, son esprit et son caractère changent profondément. C’est la peur de devenir victime une deuxième fois, l’impression de ne pas être comprise, la recherche de n’importe quoi pour arrêter les pensées de tourner en rond et pour oublier cette journée fatale.
Mais l’auteur raconte aussi l’histoire de personnes qui montrent de la bienfaisance, qui ne jugent pas et qui ne posent pas trop de questions, mais qui sont là pour les autres et qui les acceptent comme ils viennent. Au Bunny Bunny, Joanne est un personnage sans passé mais pour qui il y a un présent et peut-être un avenir qu’elle crée elle-même. Une famille composée de personnes en fuite, mais une sorte de famille avec des règles strictes qui donnent de l’orientation pour ceux perdus dans la vie.
Il y ce slogan fameux « What happens in Vegas, stays in Vegas » pour attirer les visiteurs avec la promesse que leurs secrets seront bien cachés là-bas, mais ce sont aussi les âmes perdues qui s’y retrouvent. Une ville artificielle qui offre la possibilité de s’inventer de nouveau – et d’oublier d’où on vient.
J’ai bien aimé ce roman plein de compassion qui offre beaucoup à réfléchir.